Maudy Piot est l’une des femmes que j’admire, elle nous a quittés ce 25 décembre, le jour de Noêl…
Elle était malvoyante, psychnalyste elle avait créé en 2003 l’association FDFA afin de lutter contre la « double discrimination » qui consistait, selon elle, à « être femme et être handicapée ».
En effet de nombreuses femmes handicapées sont victimes de violence
Avant de rencontrer Maudy, je n’avais jamais imaginé ce que certaines femmes handicapées pouvaient subir…
Alors voici le film réalisé par l’association (attention la réalité fait souvent mal aux yeux)
Maudy Piot, Présidente et fondatrice de l’association « Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir »
Qui êtes-vous ?
Je suis issue d’une famille de la petite bourgeoisie viticole et petite j’avais une myopie très forte. Puis à 17 ans j’ai été diagnostiquée avec une rétinite pigmentaire (maladie génétique qui évolue vers la cécité). Cela a été assez mal vécu par ma famille, je me suis donc structurée dans un climat d’exclusion. Et au lieu que cela m’inhibe, cela m’a stimulé et incité à me battre. Je pense qu’un engagement, c’est une histoire de vie.
Je me suis donc très tôt engagée dans les milieux syndicaux et les mouvements de défense de la liberté et de la justice pendant mes études d’infirmières et de kinésithérapie. J’ai notamment participé à des avortements clandestins.
Ensuite j’ai commencé à côtoyer les associations pour personnes aveugles. Et là j’ai constaté, d’une part que tous les dirigeants des grandes associations étaient des hommes et que les femmes étaienr relayées à des positions subalternes, et d’autre part qu’elles étaient malmenées, considérées comme des objets et se laissaient complètement aller. J’ai également trouvé que ces associations étaient empreintes de misérabilisme et de compassionnel, et qui cela ne me correspondait pas du tout. Il y avait très peu de révolte de la part de ces femmes, on était handicapée et c’était comme ça. Pour moi, qui avais des engagements politiques et syndicaux par ailleurs dans lesquels j’avais pris des responsabilités, cela était insupportable.
J’ai donc commencé à faire des colloques pour femmes aveugles. Ils avaient lieu tous les trimestres et portaient sur des thèmes très variés : maternité, emploi, loisirs, sport. En parallèle j’ai repris des études de psychiatrie et j’ai accompagné un certain nombre de femmes handicapées.
Et puis en 2002 j’ai organisé un colloque « Les saisons de la femme » qui parlait de la naissance, de la puberté, de la maternité et de la ménopause. Lors de cet évènement j’ai rencontré Anne Hidalgo qui a trouvé le colloque formidable et m’a demandé d’organiser quelque chose pour l’année suivante, l’année européenne des personnes handicapées.
En 2003, afin d’organiser ce colloque, nous avons créée l’association « Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir ».
Pouvez vous nous présenter votre association ?
J’ai donc créé l’association « Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir » en 2003. Le colloque fondateur avait pour thème « Femmes handicapées citoyennes » et Lucie Aubrac en était la marraine. Il y a eu plus de 1 200 participants et à la fin de la journée 250 personnes ont adhéré.
Les objectifs de l’association sont de :
– lutter contre la double discrimination d’être femme et handicapée
– affirmer que nous sommes des citoyennes et que le handicap n’est pas notre identité : c’est l’association qui a lancé le mot citoyenneté pour les personnes handicapées et qui est aujourd’hui largement repris. Notre souhait est de redonner de la dignité à ces femmes.
– lutter contre l’isolement des femmes handicapées
L’association propose de nombreuses activités :
– des colloques
Chaque année l’association organise un ou plusieurs colloques en présence d’experts. Le prochain aura lieu en mars sur le thème « Les aventurières de la vie : le handicap au-delà de ses limites » et aura pour marraine la sociologue, militante, féministe et pacifiste Pinar Selek.
– des ateliers
Aujourd’hui l’association compte pas moins de 12 ateliers sur des thèmes très variés : création, jardin littéraire, groupe d’anglais ludique, oreille attentive. Les femmes qui participent sortent ainsi de leur isolement et peuvent se rencontrer, échanger. Cela permet de renouer un lien social très souvent rompu. Nous avons aussi mis en place un atelier emploi-travail pour les accompagner dans leur recherche d’emploi. Aujourd’hui seulement 28% des femmes handicapées ont un emploi contre 50% des hommes handicapées !
– une rencontre littéraire : « Les feuilles d’automne »
L’idée de ces rencontres est née en 2005. J’ai écrit un livre en 2004 et personne n’en voulait et je me suis alors rendu compte de la discrimination à la publication que subissaient les femmes handicapées. Donc j’ai décidé de faire des rencontres entre les auteures handicapées et les autres ; j’ai fait venir des personnes connues : Michèle Perrault, Charles Gardou, Michel Chevalet. Cela a eu un très beau succès et chaque année on a recommencé. Il y a deux ans on était à la Cité Universitaire, on a eu plus de 500 participants. On y invite les écrivains/écrivaines, on y fait connaître les livres. Le matin il y a quelques conférences et l’après-midi on fait une table avec 20 écrivains qui ont 4 minutes chacun pour présenter leurs livres.
– un numéro d’écoute
Depuis mars 2015, l’association a mis en place un numéro d’écoute « Ecoute Violences Femmes Handicapées » au 01 40 47 06 06, le lundi toute la journée et le jeudi matin. Il n’existait jusqu’alors pas de numéro pour les femmes handicapées alors qu’elles sont à 80% victimes de violences ! L’association développe ensuite un suivi, pour les femmes qui le souhaitent, par une avocate, une assistante sociale, une psychologue (toutes bénévoles) ou propose de venir au groupe de parole.
Les résultats dont vous êtes fières ?
Je citerais d’abord plusieurs femmes battues qui ont pu quitter leur conjoint. Notamment une femme qui a été victime de violence conjugales pendant 35 ans : en 2 ans et demi après avoir rencontré l’association, elle l’a quitté et a retrouvé la vie.
Il y a aussi des personnes en situation de handicap qui ont pu retrouver un emploi : dans notre premier atelier emploi-travail il y avait 10 personnes. Il y avait par exemple une chercheuse qui avait fait un AVC et a par la suite retrouvé un travail de recherche à mi-temps et une personne analphabète à qui on a trouvé une formation de mise à niveau.
Mais ce qu’apporte principalement l’association c’est une sortie de la solitude pour ces femmes handicapées et de la convivialité. Elles reprennent des activités ; elles sortent de chez elles et petit à petit elles reprennent un rythme de vie « sain ». Par exemple on leur demande d’apporter un gâteau pour les ateliers, et petit à petit elles se remettent à cuisiner pour elles même.
Qu’est ce qui vous freine aujourd’hui ?
La force mais également la faiblesse de notre association c’est qu’on se bat sur tous les fronts : droits fondamentaux, travail, loisirs, sexualité… Du coup par maque de moyens financiers on ne peut pas développer tout ce que l’on souhaiterait !
Par exemple on cherche auprès des Fondations, mais il y en a très peu dont les thématiques correspondent à nos objectifs. Nous avons des financements au coup par coup, jamais sur plusieurs années. Et on n’a pas d’argent pour les coûts de fonctionnement de l’association (local de l’association, lignes téléphoniques dont le numéro d’écoute, chauffage, etc). Chercher et trouver de l’argent est donc un souci perpétuel !
Si vous aviez 25 000 euros : qu’en feriez-vous ?
Cela me permettrait de financer nos rencontres littéraires « Les Feuilles d’Automne ». La cinquième édition qui aura lieu le samedi 15 octobre 2016 à la Cité Universitaire de Paris valorisera les ouvrages portant sur la lutte contre les violences faites aux femmes handicapées
L’association prévoit également de remettre un prix « Femme handicapée citoyenne » récompensant un ouvrage qui aborde la condition de femme handicapée de façon positive, inclusive et citoyenne.
Pour en savoir plus sur Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir, rendez-vous sur : www.fdfa.fr
« Gentillesse et humour »
Sur Twitter, la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, a fait part de sa « grande tristesse ».
« Chaque personne qui a eu la chance de croiser son chemin sait à quel point elle militait avec gentillesse et humour pour défendre les femmes/citoyennes en situation de handicap. ».
https://fr.wikipedia.org/wiki/Maudy_Piot
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=auteurs&obj=artiste&no=10455
https://fondationdesfemmes.org/maudy-piot-femmes-pour-le-dire/
http://www.faire-face.fr/2015/03/08/violences-femmes-handicapees/
15 avril 2018
0 Commentaire